Crédit photo : Sophie Archambault

Dans ce livre publié en 2012, Daniel Maurin reprend les recommandations de santé de cette religieuse avant-gardiste du XIIe siècle qu’est Hildegarde de Bingen. Les conseils de cette moniale sont aujourd’hui reconnus par de nombreux médecins. Nous ne pouvons qu’être étonnés de la justesse des propos de cette sainte qui tire son savoir de révélations divines.

Hildegarde de Bingen était une religieuse, compositrice, écrivaine, mystique et philosophe du XIIe siècle qui est surtout connue pour ses contributions dans divers domaines, notamment la musique, la médecine, la théologie et la littérature. Exemple de femme intellectuelle et créative de l’histoire européenne médiévale, elle se distingue par ses visions mystiques qui l’habitent depuis l’âge de trois ans.

Devenue plus tard religieuse, puis abbesse bénédictine, ce n’est qu’à quarante-trois ans qu’elle se décidera à partager son savoir venu tout droit de Dieu à travers l’écriture, puisque ce dernier l’incite alors à propager ses visions divines : «Écris ce que je te dis!^[1]» Grâce à l’écriture de plusieurs manuels médicaux, naturalistes et théologiques, la moniale nous éclaire en détail sur les enseignements de Dieu lui donnant accès à

cette vision de l’Homme total (corps, esprit et âme), [qui] [la] condui[t] aux sources de la santé.

(p. 13)

La santé globale de l’humain est indispensable pour sa Rédemption et sa vie dans le royaume céleste, car, pour Hildegarde de Bingen, prendre soin de notre corps, c’est avant tout honorer le geste d’amour inconditionnel posé par Dieu : l’Incarnation qui nous a lavés de tous nos péchés. Les écrits d’Hildegarde de Bingen conceptualisent avant tout la santé humaine de manière holistique, puisque, pour tendre vers Dieu, il faut harmoniser les divers aspects de notre vie, soit le corps en le nourrissant adéquatement, l’esprit en favorisant des émotions positives et l’âme en cultivant notre vie spirituelle en relation avec le cosmos.

La femme mystique se situe clairement davantage du côté de la prévention que de la guérison. Ses conseils sont donc particulièrement adaptés à l’homme moderne qui, «à la fois carencé et surchargé par une alimentation inadéquate, [est] en recherche de remèdes dépourvus d’effets secondaires nocifs.» (p. 12)

La symbiose du corps, de l’esprit et de l’âme

Pour sainte Hildegarde de Bingen, la santé est un concept global qui touche à l’entièreté de l’humain. C’est pourquoi nourrir adéquatement son corps équivaut également à prendre soin de son âme et de son esprit. La santé corporelle (nécessairement limité dans le temps, puisque l’enveloppe charnelle est mortelle) favorise à plus forte raison la sainteté, «qui n’est rien d’autre que la santé de l’âme.» (p. 43) Si une alimentation appropriée contribue à une transformation physiologique en appuyant sur le renouvellement cellulaire et tissulaire, cette métamorphose se dévoile aussi au niveau psychique et spirituel en éliminant l’excès de bile noire[2] génératrice de mélancolie, octroyant ainsi à l’être une existence se démarquant par la joie de vivre. En effet,

les aliments qui n’apportent que de bonnes propriétés sont équilibrés, ne génèrent pas de “mélancolie”, mais contribuent efficacement à purifier nos humeurs et à les maintenir en état de propreté. […] Ce sont donc des nectars, qui nourrissent notre corps dans sa dimension la plus subtile, tout en réjouissant notre âme.

(p. 52)

Par un mode de vie alimentaire principalement axé sur la consommation d’épeautre, de fenouil, d’avoine, de châtaignes, de fruits, de poulet et de produits laitiers (entre autres), sainte Hildegarde de Bingen propose un régime qui réduit considérablement la production de cholestérol, d’acide urique et de substances impures susceptibles de nous faire développer des maladies chroniques. L’être exempt de pathologie causée par une mauvaise alimentation peut alors «maintenir [son] corps dans une pureté telle qu’il puisse [lui] servir fidèlement et plus encore, devenir transparent à la vie divine qui jaillit au cœur de [lui-même].» (p. 51)

Le juste milieu

La religieuse est une adepte du juste milieu, qui relève aussi du sens commun. Effectivement, le plan alimentaire suggéré trouve son efficacité dans les lois d’équilibre qui constituent la santé totale de l’humain. Sainte Hildegarde de Bingen nous propose «une double exigence, sur tous les plans de vie : nourrir sans surcharger. Ceci est vrai du mode d’alimentation, de notre vie psycho-affective et de notre vie spirituelle.» (p. 75) Si notre corps, terrestre, se délecte par nature des plaisirs gastronomiques, il nécessite de trouver dans les pratiques alimentaires un juste milieu qui comble les désirs du corps tout en assistant l’âme dans son élévation vers Dieu.

Pour ce faire, nul besoin d’ascèse ou de régime drastique. Au contraire, sainte Hildegarde de Bingen, pour accompagner et renforcer les bienfaits du plan alimentaire, réitère à plusieurs reprises les bienfaits d’un jeûne^[3] occasionnel, adaptable selon les besoins de chacun. Celui-ci «ne crée pas de sentiment de faim ou de manque» (p. 79), mais régule les excès alimentaires inévitables (et normaux!). Selon ses dires, ce jeûne serait un moyen supplémentaire de traiter le corps tout en prévenant de potentielles maladies, puisque, durant cette privation alimentaire partielle qui comporte, il faut en être conscient, son lot de désagréments (maux de tête, boutons…) «les organes sont régénérés en profondeur et rajeunis, fortifiés dans leur vitalité première» (p. 79), permettant ainsi à l’âme et à l’esprit de s’enrichir considérablement.

Hildegarde de Bingen, loin d’être dans les extrêmes, promeut bien, comme le dit le fameux dicton, les bienfaits d’un esprit sain dans un corps sain. Les conseils alimentaires de la mystique, drôlement adaptés à l’homme modernes, donnent l’occasion à tout un chacun d’accentuer sa relation avec Dieu en purifiant les mauvaises substances du corps. L’interdépendance des caractéristiques formant l’Homme total fait en sorte que le repos en Dieu permet d’autant plus de mieux affronter les défis terrestres. Ainsi, c’est en s’ancrant dans cet équilibre entre corps et âme que l’homme peut développer de manière optimale ses qualités spirituelles.

Notes :

^[1] Hildegarde de Bingen, Le Livre des Œuvres Divines, Paris, Albin Michel, 1989, p. 4

[2] La bile noire est un concept médical qui remonte à l’Antiquité et qui fait partie de la théorie des humeurs. Selon cette théorie, le corps humain est composé de quatre humeurs fondamentales : le sang, la bile noire, la bile jaune et le flegme. Chacune de ces humeurs est associée à certains traits de personnalité et à des déséquilibres pouvant causer des maladies. La bile noire, en trop grande quantité, apporte la tristesse, la dépression et la mélancolie.

^[3] Même si le jeûne intermittent entraîne des bénéfices au niveau physiologique qui sont aujourd’hui reconnus par la science, il reste très peu étudié pour certaines populations, soit les enfants, les personnes âgées et les personnes en sous-poids. Peu importe la situation, il est nécessaire de demander l’avis d’un médecin ou d’un nutritionniste avant d’entreprendre un tel processus alimentaire.

À PROPOS DE SOPHIE ARCHAMBAULT

Étudiante à la maîtrise en études littéraires, Sophie lit et écrit pour mieux saisir l’humain, la société, mais surtout le monde dans lequel elle évolue. Oiseau de nuit, c’est en multipliant des lectures nocturnes sur la spiritualité et le phénomène religieux que son intérêt marqué pour le concept du sacré s’est doucement développé. Amoureuse de la nature et de ses dangereuses beautés, de la mythologie, de l’histoire de l’art et de tout ce qui requiert de la créativité, Sophie prend plaisir à se rencontrer elle-même à travers ces passions pour ensuite mieux s’ouvrir au monde qui l’entoure.

Les opinions exprimées dans les textes sont celles des auteurs. Elles ne prétendent pas refléter les opinions de la Fondation Père-Ménard. Tous les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur.